Facebook, terrain de chasse rêvé des "brouteurs" du net

Publié le par Fofana Baba Idriss

Parmi les quelque 800 millions d’utilisateurs du réseau social Facebook se cachent aussi nombre d'escrocs du web. Actifs – entre autres – sur les sites de rencontre en ligne, les "brouteurs" ont trouvé un terrain de chasse mondial, car mal contrôlé. Notamment en Afrique. Ils sévissent déjà depuis quelques années sur les sites de rencontre en ligne. Facebook, qui revendique près de 800 millions d’utilisateurs actifs, leur pourvoie un nouveau terrain de chasse. Les « brouteurs », ces escrocs du web spécialisés dans l’arnaque en ligne, trouvent sur le réseau social le contenu rêvé pour se fabriquer une vie, mais aussi pour repérer les Occidentaux en mal d’amour. « Ils volent les coordonnées, usurpent les identités et les photos d’anonymes, mais aussi de personnalités connues », précise la présidente de l’Association des Victimes d’escroquerie à la nigériane (AVEN-Europe), qui a souhaité conserver l'anonymat en raison de trop nombreuses menaces. L’escroquerie dite « à la nigériane » (elle a essaimé mondialement à partir du Nigeria), a pour but d'abuser de la crédulité des utilisateurs de messageries électroniques (télécopies, courriels) pour leur soutirer de l'argent. La séduction à fin d’escroquerie est sans doute la plus cynique, puisqu’elle s'appuie sur la faiblesse sentimentale de ses victimes. Sur la page Facebook de l’association AVEN, une pléthore de photos de profils et de comptes usurpés sont postées régulièrement par les membres (voir diaporama ci-dessous).Derrière les photos de séduisants quinquas ou de jeunes femmes lascives se cachent des individus habiles et vénaux, souvent jeunes et prêts à abuser de celui ou celle qui leur ouvrira son cœur et son portefeuille. « Le phénomène est important et, surtout, en recrudescence selon moi », analyse Olivier Bogaert, Commissaire responsable de la Computer Crime Unit, entité fédérale anti-cybercriminalité en Belgique. « Sur Facebook, les gens se livrent parfois entièrement sans se préoccuper de la façon dont cela pourra être utilisé. Les brouteurs repèrent leurs victimes et usent de leurs faiblesses et de leur solitude. La honte de s’être "fait avoir" dissuade la plupart des victimes de porter plainte, c’est la raison pour laquelle on sous-estime l’ampleur du phénomène, » poursuit-il. La photo de son amoureux était celle… de Marc Levy. Spécialité redoutable des brouteurs, les « chantages à la webcam » peuvent s’avérer très lucratifs (voir en photo, ci-dessous, l'exemple d'une fausse lettre des autorités ivoiriennes). « Une femme échauffe le client par caméra interposée, le pousse à montrer ses attributs en pleine action puis menace de diffuser la vidéo à ses contacts Facebook », explique un administrateur du site croque-escrocs.com. Un compte sur le premier réseau social mondial est aussi utile pour crédibiliser une fausse identité sur un site de rencontre. Simone* est tombée amoureuse de la voix de son contact au téléphone, puis d’une photo reçue par mail. Au fur et à mesure des échanges, les demandes de mandats d'argent en espèce affluent : problèmes de santé, visa coûteux, factures Internet… Tous les moyens sont bons pour soutirer à Simone les économies d’une vie, héritage parental compris. Bilan : « près de 60 000 euros ont été soutirés, et la victime a réalisé après coup que la photo en question était celle de… l’écrivain Marc Levy », explique le Commissaire Bogaert. André, lui, a flairé le piège. Ce père de famille divorcé, installé au Canada, recevait « deux ou trois invitations par semaine de jeunes femmes de la Côte d’Ivoire. Trop beau pour être vrai… » Attentif, André repère rapidement des détails qui lui mettent la puce à l’oreille. « Comme toutes celles qui m’écrivaient de ce pays, « Fatou » avait 29 ans (voir ci-dessous la capture d'écran d'un profil-type de brouteur sur le site de rencontre en ligne Réseau Contact). Il y avait toujours des problèmes techniques lorsqu’elle devait me contacter via webcam. » Billet d'avion Manœuvre classique, Fatou promet qu’elle sera bientôt aux côtés d’André et de sa fille. « Elle m’a vraiment mis de la pression, la journée où elle m’a dit qu’elle aurait son visa. Elle voulait que je lui envoie de l’argent - 1 000$ - pour acheter son billet d’avion. Je lui ai dit que j’allais l’acheter avec ma carte de crédit et que je ferais livrer le billet chez elle. Elle ne voulait pas, soutenant que cela ne se faisait pas… » André met un terme à la relation, non sans avoir été appelé par « l’oncle » de Fatou, qui tentera une dernière fois de le culpabiliser. « Les victimes sont souvent des personnes célibataires ou divorcées qui approchent de la retraite et réalisent qu’elles finiront leurs vie seules si elles ne trouvent pas une compagne ou un compagnon. Séduites, elles commencent à payer pour les mensonges de l’escroc : un billet d’avion, des soins urgents, etc. », indique M. Bogaert. Le brouteur, tranquillement installé derrière son ordinateur, gagne souvent « de 200 à 2 500 euros ». Une fois l’arnaque découverte, il est trop tard. Impossible de remonter la piste des mandats, qui se perd au Nigeria, au Ghana, au Bénin et, surtout, en Côte d’Ivoire, devenu « l'épicentre de la cybercriminalité africaine », poursuit le commissaire Bogaert. Quelque 21 millions d’euros y auraient été extorqués en 2011, selon une source policière citée par Le Nouveau Réveil. Manque de collaboration judiciaire internationale Peu inquiétés, les brouteurs exhibent volontiers leurs billets de banques, les vêtements taillés sur mesure ou l’électro-ménager qu’ils se procurent avec les rançons de leurs forfaits. Outrées, les victimes choisissent parfois de riposter. Les associations AVEN ou Croque-escrocs n’hésitent plus à pirater illégalement les comptes des brouteurs et à détruire leurs faux documents. la présidente d'AVEN justifie : « La justice française n'affiche pas l’envie de s'investir pour combattre ces cyber-escrocs. De son côté, la police ivoirienne est corrompue, accuse-t-elle. Il fallait agir, nous l’avons fait ». Les services de police belges, français ou canadiens, admettent un manque de moyens et de coopération avec leurs homologues africains, spécialisés dans la lutte contre la fraude en ligne et la cybercriminalité. Faute de menace de condamnation réelle, sur Facebook comme sur les sites de rencontre en ligne, les brouteurs ont donc le champ libre. Pour continuer à brouter, en toute impunité. *Le prénom a été changé. J.A

Publié dans CYBER-CRIMINALITÉ

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article